Si la magie est l’art et le pouvoir d’agir sur la réalité pour la transformer, alors Danièle Heusslein-Gire se range dans la lignée des magiciennes qui, telle Circé, ont le don de la métamorphose. Le réel, sous et par son regard, est transfiguré et l’image qu’elle en donne – peinture, photographie, sculpture, décors et costumes de théâtre – n’en est pas qu’une plate imitation mais plutôt une transposition : elle métaphorise la réalité. En ce sens elle est un poète : à travers son œuvre, elle accomplit un acte de poésie, un acte de création. Elle nous met ainsi en relation avec cet au-delà de l’apparence des choses de nos quotidiens en les re-produisant par la délicatesse de son art subtil de la couleur et des formes qu’elle sait décliner au gré de ses urgences, de ses inspiratioons et de ses supports.
Jean-Jacques Mutin (professeur d’esthétique théâtrale. Université de Provence)
L’œuvre de Danièle Heusslein-Gire séduit et surprend.
Elle séduit par sa puissance de conviction, sa capacité à dérouter en montrant dans les choses les plus simples l’étrange et le drôle, par son humour qui sans cesse attend l’émotion au tournant.
Mais elle surprend aussi, par l’étendue de sa diversité, son talent à aborder des univers si différents, parfois, pourrait-on dire, opposés.
Danièle Heusslein-Gire a toujours dessiné et peint. Avec facilité, car elle est douée. Avec difficulté, car il ne lui suffit pas de faire des images. Elle cherche inlassablement, en quête de la représentation idéale du monde complexe qui est le sien, et ne craint pas de s’aventurer sur des chemins nouveaux pour les explorer et les apprivoiser. Elle ose lâcher les repères précédents pour en trouver d’autres et les lâcher encore pour affronter l’inconnu. Chaque fois, c’est une expérience où se mêlent peurs et révélations. Pour elle, pour nous, qui regardons son œuvre. Nous qui éprouvons sa peinture, ses peintures, où vibrent si profondément son incertitude de soi, ses rêves, sa nécessité. Son audace et sa force.
Thérèse-Marie Mahé (directrice d’édition)
Ce que j’aime dans la peinture de Danièle, entre autre, c’est une peinture parfois théâtrale, parfois cinématographique. Moi qui ai besoin d’histoires, j’en brode une sur presque chacune de ses toiles.
Pour cette raison, j’aime aussi ses toiles « abstraites » qui ne sont pas « abstraites » mais qui sont ce qui reste, à la fin, d’anciens paysages. Elles ont une grande profondeur. Ce sont des vestiges. Dernier stade de la mémoire.
Ariane Mnouchkine (metteur en scène, créatrice du Théâtre du Soleil)
DANIELE HEUSSLEIN GIRE
ILLUSTRE PAUL GUTH ET PHILIPPE RAGUENEAU
Si « Le naïf aux quarante enfants » cher à son auteur Paul Guth a permis à l'imagination de cette artiste d'exprimer toute l'originalité de ses couleurs et l'humour de ses dons de caricaturiste, les chats de Philippe Ragueneau nous offrent un autre aspect de l'étendue du talent graphique de Danièle Heusslein-Gire, d'ailleurs déjà fort remarqué dans de précédents ouvrages.
Le célèbre Paul Guth se déclarait comblé par le travail de Danièle Heusslein-Gire, et Philippe Ragueneau n'était pas moins enthousiaste et enchanté devant la qualité du trait rigoureux, mais fort sensible, qui imageait son aventure de chat.
Il est extrêmement rare qu'un artiste soit capable d'offrir les facettes de mondes aussi divers et peut-être apparemment contradictoires, encore faut-il que sa personnalité soit profondément douée et complexe.
Un peintre naïf digne de ce nom contourne l'épreuve imposée par le sujet — êtres ou choses — en usant de la surenchère dans la difficulté. Son orgueil et son humilité en butte au motif le poussent à inventer les propres règles de son moyen d'expression et de son art de la communication. Ainsi introduit-il le spectateur dans son tableau et celui-ci, non content d'observer l'œuvre, habite le tableau. Voici le monde des êtres et des objets recréé par une sorte d'improvisation alchimique.
Au contraire, le graveur et le graphiste interprètent, comme un musicien le ferait, la partition de ce qu'il voit. Avec un œil de chasseur, il récite sans une fausse note la réalité, en la colorant de sa sensibilité.
Mais combien de richesses faut-il pour être capable de lier la maîtrise de l'un au talent d'improvisation de l'autre ! Quel tempérament nécessite cette difficile acrobatie : savoir en certains cas et oublier de savoir en d'autres cas. A quelles limites mystérieuses se réunissent notre subconscient d'enfant et notre goût de l'élaboration raffinée ? Danièle Heusslein-Gire nous y mène avec une extrême générosité créatrice.
Paris ce 3 juin 1980
Notre merveilleux ami, M. Jean Bourdeaux, m’a montré, aux éditions Albin Michel, les illustrations que vous avez la bonté de préparer pour mon Naïf aux quarante enfants. Cinq illustrations sur un total de huit.
Je suis enthousiasmé. Je ne peux pas résister au plaisir de vous féliciter. Vous avez compris, senti, traduit dans son essence ce texte auquel je tiens tant et qui exprime le fond de mon cœur. Il fallait votre peinture naïve pour peindre le Naïf. Votre peinture mi naïve, mi savante, frémissante d’émoi, de poésie, de tendresse. Sans oublier la drôlerie. Le sourire et le rire sont le propre de l’homme et, particulièrement, du Naïf. Ils sont indispensables en tout temps et surtout à notre sinistre époque, gonflée de haine et de prétention.
Votre poésie est tendre et malicieuse. Notamment dans le rouge de la belle cravate du Naïf, assis sagement à son bureau, dans sa classe. Elle est nimbée de lyrisme lunaire quand le Naïf débarque devant l’Hôtel de la Are. Elle éclate de lumière dans l’admirable paysage de coteaux en fleurs, devant lequel le Naïf est assis comme au théâtre. Un des plus ravissants paysages de printemps que j’aie jamais vus en peinture et qui restera dans ma mémoire comme le symbole du Printemps.
Bon courage pour les trois illustrations qui vous restent à faire ! Toute ma pensée est avec vous . Je ne me penche pas par-dessus votre épaule. Rien n’agace davantage les peintres. Je reste derrière vous, à une certaine distance, pour ne pas vous déranger, mais pas trop loin, pour que vous puissiez sentir ma joie, ma reconnaissance, mon admiration.
Avec tous mes plus respectueux hommages.
Paul Guth
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